"Je suis né moldu. Cela m'a posé de nombreux problèmes en vérité. Non pas les préjugés des fortes têtes, j'imagine que chacun reçoit son lot de prêt à penser, mais gérer deux vies est difficile. Allez mentir et raconter du haut de vos 11 ans à vos oncles et tantes la vie dans un pensionnat factice et quelconque alors que vous vivez le rêve de tous gosses moldus ! D'autre part, toute ma vie était chez les non-sorciers, dans quel monde pouvais-je bien lancer ma carrière, emménager, me marier ? J'ai du faire des choix difficiles que je ne souhaite à personne."
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Poudlard, souvenir de l'année scolaire 1924-25
"Professeur Hughes ? Pouvez-vous m'en dire plus sur l'essence de Murlap ?"
Alors que tous les élèves s'affairaient à réunir leur nécessaires à potions, Eric s'avançait légèrement vers le plan de travail central de la salle de classe. La lourde cloche du château avait déjà fait retentir l'heure du repas, et un mélange de pas pressés et de conversations naissait dans le couloir qui vidait la pièce. Bientôt il fut le seul élève encore présent sous le regard indéchiffrable du professeur de potions. Les sourcils froncés en direction des portes à présent closes, ce dernier laissa échapper un soupir de fatigue en passant une main sur son front moite pour en dégager les mèches blondes.
"Vos questions auraient dû être posées pendant mon cour, afin que vos camarades pussent profiter des réponses, M.Nicholson" souffla M.Hughes en nettoyant les restes du cours passé. Il portait un costume sombre cintré dont la cape qui couvrait le bras gauche oscillait en suivant ses mouvements.
"Il me vient juste de vouloir... approfondir mes connaissances Professeur." risqua le jeune homme taquin qui se vit réprimander d'un œil sévère que soulignaient des arcades marquées.
"Il suffit Eric, plus de cela."dit-il d'un ton on ne peut plus ferme.
Le visage de l'élève de sixième année s'éteignit sensiblement. Il reparti vers ses effets et entreprit d'empaqueter le tout en silence. Il affichait une expression résignée tout en restant droit et fier si bien que l'enseignant repris, une dizaine de secondes après :
"Comprends ma position. Je ne permettrai pas cela concernant mes collègues, alors je ne peux m'encourager dans une affaire de la sorte. J'ai..."
"Toi, toi, il n'y a de place que pour toi ! J'ai bien compris cela !" coupa le jeune homme sèchement en laissant retomber son cartable sur un pupitre. La face empourprée, il serrait les poings. "Peut être que je ne compte pour rien, mais moi je pourrai tout risquer !"
"Qu'as-tu à risquer donc ? Une vie de famille ? La carrière de toute une vie ?" s'emporta l'enseignant. A son tour il avait les mâchoires crispées. Sa voix coléreuse avait résonné dans la salle vide. "Tu n'as rien a mettre en jeu, et j'ai déjà beaucoup trop misé, ne me demande pas de continuer."
Un vague sourire peiné teintait à présent le visage de l'adolescent.
"Suis-je donc si pénible professeur ? Ne suis-je donc bon qu'à vous divertir lorsque votre foyer vous manque ou que votre carrière est trop bien avancée et qu'il vous vient le goût du risque ? En avez-vous assez ?"
"Je t'ai demandé de cesser. Tes amis vont manger sans toi, tu devrais te dépêcher de filer" lâcha-t-il.
Il se détournait alors de l'étudient pour nettoyer les fioles usagées, mais n'en eut pas le temps car son bras était retenu par le garçon qui planta des yeux implorants dans les siens.
"Un an ! C'est tout ce que je te demande ! Je t'en prie, attends moi un an ! Alors je ne serai plus ton élève, et on pourra-"
"On pourra quoi Eric ? On pourra quoi ?!" Il tenait le jeune homme affolé fermement par les épaules et l'avait secoué en ponctuant sa phrase dans l'espoir qu'il revienne à la raison. "J'ai une famille, et quand bien même j'ai plus du double de ton âge, ce que tu dis n'as pas de sens, nous n'avons aucun sens !"
Démuni face à la larme qui roulait à présent sur la joue de son élève, il relâcha sa prise. Bien que jeune, Eric faisait presque la même taille que Hughes, et aidé par la promiscuité soudaine de leur visage, il releva la tête pour voler à son amant un dernier baiser emporté par sa passion adolescente. Il sentait que les lèvres qu'il embrassait osaient à peine y répondre, et alors qu'il approchait une main du visage tant convoité de l'enseignant, la porte de la salle de classe s'ouvrit sur la silhouette fine du professeur d'Arithmancie.
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Eric finira volontairement ses études en Australie après le renvoi inexpliqué au public du professeur de potions. Il fréquentera régulièrement des cercles clandestins de duel de sorciers suite à sa certification où il acquerra une très bonne réputation qui lui permettra de vivre presque correctement de façon nomade pendant quatre ans. A leur terme il retournera au Royaume Uni et entreprendra des études supérieures moldues, découragé de son mode de vie.
Enfant, on lui avait placé entre les mains de quoi faire de grandes choses : des pouvoirs magiques. Mais ce "don" avait été à l'origine de souvenirs si durs qu'il essayera de les oublier en menant la vie qu'alors il pensait faite pour lui depuis le début. Cependant la magie le rattrapera : Soif ? Aguamenti. La télécommande est trop loin ? Accio. Panne de courant ? Lumos. Toutes les facilités du monde sorcier comblaient ses désirs communs et laissaient un gouffre d'envie, que quelque chose de plus beau, de plus brillant aurait certainement pu remplir mais dont il ne su jamais la nature.
Il rencontrera sa future épouse une demi-douzaine d'années plus tard et, décidé à en finir avec la magie, scellera avec leur union un quelconque usage futur de sa baguette.
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Angleterre, souvenirs du 3 janvier 1960
C'était une de ces soirées froides et mordantes de début d'année, où le vent souffle sur le monde comme si la nature s'assurait que les hommes étaient assez robustes pour tenir un an de plus. Enroulé dans son manteau, Eric cherchait partout ses clefs de voiture dans la maison qu'il habitait avec sa femme et son fils, calme et isolée du centre ville. Il était convenu qu'après avoir réglé les affaires urgentes que son emploi lui imposait -"Non mais vraiment Eric, c'est de l'esclavage, ils n'ont pas à te faire travailler un lendemain de nouvel an !" s'était exclamé son épouse- il devait les rejoindre dans le sud du pays pour y finir leur vacances. Sa famille s'y rendant en avion, il devait les récupérer à l'aéroport dans un peu plus d'une heure et terminer ensemble la route. Encore fallait-il mettre la main sur ses satanées clefs qui disparaissaient tout le temps !
Pressé, ses recherches superficielles et désordonnées ne menaient à rien jusqu'à ce qu'enfin il les retrouve glissées dans un pli du sofa, certainement l'endroit de la maison où serait retrouvé un jour multiples objets perdus...
S'en saisissant, il quitta rapidement la pièce en direction du garage, sorte de pièce mi-cellier mi-remise sans fenêtres, et reliée à la maison par une solide porte qu'il referma à double tour derrière lui. Eric s'installa finalement à la place du conducteur et démarra l'engin avant de s'apercevoir avec frustration dans le rétroviseur que cette fois-ci, il avait oublié d'ouvrir les volets rigides qui menaient à la route. Il sortit en hâte de la voiture, se dirigeant vers l'arrière du véhicule pour en libérer l'accès quand son pieds se posa sur un jouet trainant de son fils, initiant à sa cheville un angle inédit et douloureux. Se faisant, ses jambes se dérobèrent sous son poids et la sensation de vive déchirure remonta jusque dans sa cuisse, mais n'eut le temps d'irradier plus car, chutant en arrière sans rien trouver à sa portée pour se rattraper, sa tête heurta violemment le coin métallique d'une étagère qui déversa son contenu sur l'accidenté. Eric ne pu lutter que quelques secondes avant de perdre connaissance, en proie à une faible hémorragie autant qu'à de lourds vertiges, sa cheville cassée. Et cependant qu'il restait là, inconscient, la voiture toujours en marche déversait et remplissait l'air de gaz carbonique. Etendu à côté du pot d'échappement, Eric s'en asphyxia petit à petit dans les heures qui suivirent, tristement démuni.