Mon histoire, hein ? Vous êtes vraiment sûr de vouloir l'entendre ? Parce qu'elle n'a rien de vraiment joyeux... Bon, comme vous voudrez, je suis le règlement.

J'ai  vu le jour le lendemain de Noël, mais je ne peux pas vraiment dire que j'étais un cadeau. Rejeton non-désiré d'une étudiante travaillant dans un club d'hôtesses et opposée à l'avortement, une chance pour moi. Ou pas.
Père inconnu évidemment, je me doute qu'il n'était pas au courant qu'il avait procréé. Quant à ma génitrice... En tant qu'hôtesse appréciée des clients du club grâce à son physique, elle ne pouvait pas se permettre d'avouer qu'elle avait un fils. Étudiante le jour, limite prostituée la nuit, elle ne prenait pas le temps de s'occuper de moi. Du coup, j'ai passé mes premières années chez ses parents, et quand j'ai atteint le moment d'aller à l'école et de me débrouiller seul un minimum, elle m'a rayé de sa vie en exigeant de ma cousine de Chiba qu'elle me recueille. YOU-PI.

Enfin, je ne vais pas être médisant... Même si elle ne roulait pas sur l'or et que son travail d'actrice montante lui demandait beaucoup de temps, Shizuka s'est toujours bien occupée de moi. Elle m'a même adopté l'année de mes huit ans, et je porte son nom de jeune fille depuis. J'aurais pu tomber plus mal et me retrouver par exemple chez le pire mouton noir de la famille, autrement dit l'oncle alcoolique et pervers. Peut-être que ma génitrice a veillé pour que j'atterrisse chez quelqu'un de responsable. Au moins une chose positive qu'elle aura faite à mon égard.

L'internationalisation de l'école primaire où j'allais m'a permis d'apprendre l'anglais assez vite et de découvrir des horizons différents grâce aux élèves étrangers. J'avais même quelques amis qui venaient quand Shizuka ne m'emmenait pas pour une balade à Tôkyô. En y repensant, j'étais bien plus heureux avec celle que je considérais comme une grande sœur que je ne l'aurais été avec l'autre.

Et puis, au printemps qui a suivi mes onze ans, peu avant la nouvelle année scolaire, LA lettre est arrivée.

Je me souviens en avoir longuement parlé avec ma cousine qui m'a laissé le choix entre aller comme elle à l'école sorcière citée sur la feuille, ou poursuivre en primaire sans tenir compte du courrier. Le seul conseil que je reçus fut de me décider pour l'endroit où j'aurais le moins de regrets, ce qui s'avéra rapide. Bien que son emploi du temps soit à présent chargé, elle obtint quelques heures libres afin de m'accompagner acheter des fournitures dont je n'aurais jamais soupçonné l'existence auparavant. Shizuka a toujours refusé de l'avouer, mais je l'avais sentie nostalgique en passant devant certains magasins. Probablement de nombreux souvenirs qui lui revenaient à l'esprit.

Avoir un nom de famille différent du sien me permit de ne pas être harcelé en permanence à cause de sa popularité. Je me plaisais assez dans cet endroit nouveau même si je ne me faisais pas d'amis. La seule chose que je regrettais : ne voir Shizuka que les jours de fin de semaine. Bien qu'elle prétende que l'internat réduisait le temps que je passais chez elle, ce qui l'autorisait à consacrer plus de temps à son travail, je savais que je lui manquais, et réciproquement. À Mahoutokoro, j'avais majoritairement des Acceptable, parfois un Piètre et rarement un Effort exceptionnel. Un peu au-dessus de la moyenne en somme, à l'exception du cours de sortilèges où je me défendais bien.

Tout aurait pu continuer tranquillement, sauf qu'il faut bien un mais, n'est-ce pas ?

Les ennuis arrivèrent de mon côté par une fille qui voulait profiter de mon incapacité à me défendre pour s'en prendre à moi. Moyen de distraction à portée de main et en plus né-moldu, disait-elle. Sans ami pour me venir en aide, j'encaissai pendant environ six mois avant que ma cousine découvre par inadvertance une partie de ce que j'avais subi. Un long sermon plus tard, je lui avouai que les vacances d'été toutes proches constituait une bonne occasion de quitter l'école et ne plus y revenir. Seulement, je ne comptais pas pour autant quitter le monde de la magie... Shizuka mentionna alors cette école en Écosse et dut déployer des trésors d'imagination pour me convaincre de partir. Fuir de la sorte n'était pas glorieux, mais bon... De toute façon, c'était ça ou servir encore de punching-ball durant une période indéterminée. Sans songer aux difficultés que je rencontrerais sûrement là-bas, je laissai Shizuka me conduire jusqu'à l'aéroport. Encore une grande première pour moi. Grâce à l'argent qu'elle m'avait donné plus celui qu'elle m'enverrait chaque semaine pour que j'aie un toit pendant les périodes de vacances, j'eus la possibilité de dormir dans le pub faisant le lien entre les deux mondes et d'acheter mes fournitures. Heureusement que la direction avait bien voulu m'envoyer la liste nécessaire et me faire intégrer l'année correspondant à mon âge !

Et me voilà donc, une semaine après avoir quitté la seule famille qu'il me reste, à attendre dans un coin de l'immense salle servant apparemment de lieu de repas. Les nouveaux défilèrent l'un après l'autre sur un tabouret, puis j'entendis enfin mon nom et me dirigeai avec hésitation vers le vieux chapeau, tandis que des dizaines de paires d'yeux me dévisageaient. L'arrivée d'un élève en cours de scolarité, et étranger de surcroît, avait de quoi alimenter les conversations. De plus en plus nerveux, je m'approchai de la femme qui s'impatientait suite à ma lenteur involontaire.